Un patron avec une vision sociale

mardi 28 janvier 2025

Denise Lachat

Jean-Jacques Merlet a dirigé plusieurs grandes entreprises et sillonné le monde pour le travail. Pour la dernière tranche de sa vie active, le Rotarien du RC Les Reussilles a choisi de baisser la cadence et surtout de construire un projet social dans une entreprise privée, modèle unique en Suisse. Norkom SA est basée à Montfaucon dans le Jura et produit également des montres personnalisées en faveur de la Fondation mine-ex du Rotary.

Au volant de sa voiture qui roule à travers les pâturages et les collines ondulant à perte de vue entre Tavannes (BE) et Montfaucon (JU), Jean-Jacques Merlet prend une profonde inspiration: «Ce n’est pas beau, ça?», demande-t-il, un sourire heureux sur ses lèvres. Le paysage où il est né dégage de la sérénité, la douceur de ses lignes nous renvoie à la grande tradition horlogère jurassienne. Eh bien, Jean-Jacques n’est pas horloger, et on n’en trouve pas non plus dans sa famille. Elle compte en revanche un ramoneur et des cheminots – le papa de Jean-Jacques était directeur de la Compagnie des Chemins de fer du Jura. Jean-Jacques a fait un apprentissage de mécanicien de précision, complété par des études d’ingénieur HES.

Bijou de réinsertion professionnelle

Cela ne l’empêche pas d’entretenir un lien très étroit avec l’horlogerie depuis plus de vingt ans déjà. En effet, Jean-Jacques Merlet est directeur de Norkom production SA qui produit ses propres marques de montres, UCS et Superkids, et propose aussi de la sous-traitance pour des grandes marques horlogères.

Le développement et la production des produits sont assurés de A à Z par Norkom formation SA, entreprise qu’il a fondée en 2006 avec son associé Alfonso Osuna. Cette dernière est un petit bijou de réinsertion professionnelle pour des personnes qui ont du mal à retrouver du travail après un accident ou à cause d’un problème psychique: Norkom formation SA forme actuellement environ 50 personnes pour le compte de l’Assurance Invalidité (AI) dans ses cinq filières qui sont la bureautique, la mécanique, le polissage, l’horlogerie et l’informatique. Certains apprenants suivent des formations pratiques non-certifiées, d’autres terminent des Attestations de Formation Professionnelle (AFP) sur 2 ans ou des Certificats fédéral de Capacité (CFC) sur 3 ou 4 ans. Les personnes en formation sont encadrées par une dixaine de formateurs qui sont eux directement employés par Norkom.

Il ne s’agit ici donc pas d’une institution étatique à vocation sociale, mais d’une entreprise privée – modèle unique en Suisse. «C’est du pur bonheur», s’exclame Jean-Jacques lors de la visite de l’entreprise. Partout où il passe, le patron a un mot pour les collaborateurs, serre la main des uns et des autres. Les ateliers sont baignés de lumière qui entre par de grandes baies vitrées, l’atmosphère y est à la fois concentrée, chaleureuse et sereine. Rien ne laisse penser que ces personnes sont en formation et encore moins qu’elles sont au bénéfice de l’Assurance Invalidité. Jean-Jacques leur tire son chapeau. «J’ai beaucoup d’estime pour ces personnes», dit-il, tout en rappelant qu’il peut arriver à tout le monde d’avoir un problème à un moment de la vie.

Il adore cette fibre sociale dans son entreprise, d’autant plus que le modèle de formation répond à son désir de proposer un vrai travail proche du premier marché du travail dans des conditions réelles d’une usine normale. Le taux de réussite fait la fierté de Jean-Jacques: à la sortie de la formation au sein de Norkom, 85 pourcents des personnes qui leur ont été confiées trouvent une solution, la plupart avec un emploi à la clef. Il arrive aussi qu’un ancien apprenant trouve une place auprès de Norkom même. C’est le cas de Damien vers qui nous nous arrêtons un moment. Après quatre ans de formation il a obtenu son CFC de polymécanicien haut la main avec les meilleurs résultats du canton, a travaillé pour une autre entreprise avant de retourner chez Norkom où il est aujourd’hui responsable de la sous-traitance.

Priorité à la qualité de vie

Lors de la prise de rendez-vous en vue de l’entretien pour le magazine du Rotary Suisse/Liechtenstein, la journaliste avait demandé à Jean-Jacques, aujourd’hui âgé de 70 ans, s’il était toujours actif. Cela a bien fait rire son associé et ses collaborateurs, il semblerait que le patron est un brin hyperactif. En revanche, à l’âge de 52 ans, Jean-Jacques avait réfléchi au temps qui passe, décidé d’arrêter de courir et de voyager aux quatre coins du monde pour le travail, pour privilégier la qualité de vie dans le Jura avec son épouse Eliane.

Il a donc arrêté son emploi comme directeur général d’entreprise et s’est concentré sur Norkom SA pour laquelle il travaille à un taux de 60 pourcents. Lorsqu’on lui demande ce qu’un garde-temps représente pour lui, il n’évoque pas le temps qui passe, mais le travail d’équipe qu’il représente: «La réalisation d’une montre fait travailler tous les ateliers de notre entreprise», souligne-t-il. Le principe de collaborer lui est cher, même s’il dit avoir été chef pendant presque toute sa vie professionnelle. Pas un chef autoritaire, en revanche, mais un chef qui aime partager, comme il dit. Aller chercher les connaissances des autres et réunir l’intelligence des collaborateurs lui paraît fondamental.

Cette richesse l’a d’ailleurs motivé à rejoindre le Rotary où il a pu faire connaissance de personnes qu’il n’aurait pas connu autrement selon ses dires. Depuis 2018, il est membre du RC Les Reussilles qui l’avait invité à donner une conférence; il a, on l’aura deviné, saisi l’occasion pour parler de la réinsertion professionnelle.

La montre mine-ex

Au début de 2021, Christian Mérillat, le responsable de la Fondation mine-ex au sein du RC Les Reussilles, avait approché Norkom pour une action commune: une montre personnalisée avec le logo de mine-ex sur le côté et le revers du boîtier, dont la moitié du prix de vente sera versée à la Fondation. Le projet fut défini avec Francis Godel, ancien vice-président de la Fondation mine-ex du Rotary Suisse/Liechtenstein. L’équipe du département informatique de Norkom créa tous les visuels nécessaires, les horlogers ont personnalisé et assemblé les garde-temps. Pendant la campagne entre avril 2021 et novembre 2022, un total de 144 montres pour un montant de 27604 ont été vendues; 13802 francs ont ainsi pu être versés à la Fondation rotarienne.

Les montres sont exposées dans leurs versions chrono (299 francs), trois aiguilles (199 francs) et enfants (79 francs) dans la boutique de l’entreprise qui présente une joyeuse panoplie de couleurs et de modèles variés. On y trouve également la gamme UCS Solar, une montre solaire avec un bracelet fabriqué à partir de plastique recyclé de la Méditerranée ou de la fibre de pomme et de maïs. Norkom a en outre éliminé le fossile dans son cycle de production grâce à 220 panneaux solaires installés sur le toit et une pompe à chaleur. À 1000 mètres d’altitude, c ela peut surprendre. Mais ça marche. Que ce soit pour l’écologie ou pour le social, Jean-Jacques Merlet a sa formule: «Il faut le vouloir.»

Les montres mine-ex peuvent être commandées via ce lien: https://www.ucsshop.com/fr/categorie-product/mine-ex/


Le Rot. Jean-Jacques Merlet pose avec une montre UCS personnalisée pour la Fondation mine-ex