Philippe Morard du RC Fribourg Cité souhaite de tout son cœur pouvoir offrir en cadeau le fruit de son travail et partager son plaisir avec le public et ses partenaires que ce soit en tant que pianiste, chanteur, directeur de chœur ou d’orchestre… le but reste le même pour celui qui a senti la passion pour la musique germer vers ses 16 ans.
Monsieur Morard, la musique est votre profession. Qu’est-ce qui vous a fait choisir cette voie ?
La musique s’est rapidement et naturellement imposée comme une évidence. Mon père jouait du piano et de l’accordéon ; il était autodidacte et jouait des chansons françaises et surtout du jazz. Son grand regret était de ne pas avoir pu suivre des cours chez un professeur lorsqu’il était enfant ; c’était l’entre-deux guerres et la vie était rude en ce temps-là… C’est pour cette raison qu’il a tenu à donner cette chance à ses trois enfants. Mes sœurs au violon et moi au piano. Nous sommes les trois devenus musiciens professionnels, belle revanche !
Qu’est-ce qui vous a fait choisir le piano, qu’a-t-il de particulier pour vous ?
Le piano m’attirait, car c’était l’instrument le plus proche de l’orchestre dont la richesse des couleurs et des harmonies me fascinait. C’est l’orchestre qui t’intéresse ? Alors commence avec le piano, me disait-on. D’abord, je n’étais qu’un élève normalement assidu. Je pratiquais surtout le football intensément. Ce n’est qu’à 15 ou 16 ans que la passion pour la musique a germé en moi.
Que signifie la musique pour vous, qu’est-ce qu’elle vous apporte ?
Pour moi, clairement, la musique embellit ma vie ! Je vis presque chaque jour une aventure musicale. Il y a chaque fois quelque chose de nouveau à découvrir : de nouvelles pièces, une interprétation ressentie différemment, de nouveaux défis techniques à résoudre… Outre ce plaisir personnel, il y a le don et le partage lors des concerts en solo ou avec d’autres musiciens. Je souhaite de tout mon cœur pouvoir offrir en cadeau le fruit de mon travail et partager mon plaisir avec le public et mes partenaires que ce soit en tant que pianiste, chanteur, directeur de chœur ou d’orchestre… le but reste le même.
Qu’est-ce que la musique peut apporter à d’autres selon votre expérience d’enseignant ?
Je me suis souvent posé la question : pourquoi as-tu choisi la musique et l’enseignement du piano comme profession ? N’es-tu pas un doux rêveur ? Il y a tellement de métiers plus importants comme médecin, policier, pilote d’avion… Eh bien, je me suis toujours considéré comme quelqu’un de privilégié, car le contact avec chaque élève est un moment de partage émotionnel et de transmission des connaissances qui parfois atteint les profondeurs de la nature humaine ou de l’âme. En outre, pour un enfant, l’apprentissage d’un instrument contribue à développer une multitude de capacités qui pourront lui servir plus tard dans ses activités : stimulation des facultés cognitives, développement des capacités motrices, de l’adresse, de la mémoire, de la compréhension, de l’expression des sentiments, de la maîtrise des nerfs en public et … de la discipline.
Est-ce que vous jouez surtout de la musique classique ou êtes-vous à l’aise dans tous les registres ?
Qu’est-ce que la musique classique ? Mozart, Haydn et la plupart de leurs contemporains…sont de style classique, mais ce n’est qu’une partie de l’histoire de la musique telle que nous la connaissons sous une forme écrite depuis le moyen-âge jusqu’à nos jours. C’est un domaine tellement vaste que nous sommes forcés à faire des choix. Mon terreau familial et la pratique du piano m’ont dirigé tout naturellement vers la musique romantique du XIXème siècle sans pour autant me fermer à d’autres voies/voix musicales. J’ai eu la chance de diriger des chœurs et des orchestres et ainsi d’aborder un merveilleux répertoire, qu’il soit baroque, classique, romantique, moderne. J’aime aussi beaucoup le jazz, le tango, la bossa nova et le répertoire folklorique ; nous avons une très belle tradition de chants populaires dans le canton de Fribourg et en Suisse.
Est-ce que l’intérêt d’apprendre à jouer un instrument ou à chanter est encore présent chez les jeunes ?
Je crois profondément que le chant est universel. Très probablement, il a dû être à l’origine de toutes les formes musicales qui ont suivi. Le chant est source d’inspiration pour tout instrumentiste. Le violon, la flûte, le piano et presque tous les autres instruments, à l’exception de certains instruments à percussion, cherchent leur inspiration interprétative dans l’art vocal. J’ai été doyen des classes de piano au Conservatoire de Fribourg pendant 12 ans et je n’ai pas constaté de fléchissement des inscriptions de nouveaux élèves. Les goûts changent : certains instruments perdent de leur attractivité, d’autres apparaissent, car plus dans l’ère du temps ; l’enseignement se tourne aussi vers les musiques actuelles. Si les écoles de musique veulent survivre, elles doivent s’adapter sans prétériter pour autant la qualité de l’enseignement et renoncer à leurs valeurs.
Est-ce que vous diriez que la musique a une importance particulière dans certaines phases ou situations de vie ?
Il n’y a rien de plus beau qu’une maman qui chante une berceuse à son bébé pour le calmer et l’endormir ! La musique nous accompagne dans nos parcours de vie. Il m’est arrivé souvent de jouer, chanter ou diriger à des enterrements avec, à chaque fois, la satisfaction d’avoir apporté un certain réconfort, peut-être même un peu de consolation. Que serait un mariage, une fête sans musique ? N’est-elle pas le miroir de la vie avec ses moments contrastés entre bonheur et tristesse ?
Vous êtes Chef de chœur et d'orchestre : quelles sont les qualités dont un chef devrait disposer ?
J’ai eu l’occasion de diriger des ensembles professionnels et amateurs. Il y a deux modes de fonctionnement : ceux qui viennent parce que c’est leur métier, parce qu’ils gagnent leur vie avec leur passion et ceux qui choisissent de faire partie d’un ensemble, principalement parce qu’ils en ont envie. J’ai beaucoup de respect pour les deux options. Les professionnels attendent des compétences de haut niveau et des options interprétatives avec le souci que le travail soit bien fait et que l’image de marque de l’ensemble en ressorte positivement. Comme les amateurs participent parce qu’ils en ont envie, le chef doit convaincre à chaque répétition, chaque concert, apporter quelque chose de positif, aider les personnes présentes à se dépasser afin qu’elles aient envie de revenir. Connaître sa matière, savoir transmettre, communiquer, partager sa passion, tout cela, sans être exhaustif, me paraît essentiel pour être un chef apprécié et compétent.
Une vie sans musique, ce serait…
…un jardin sans fleurs, un plat de fromages sans un bon vin, une réserve naturelle sans animaux sauvages, un baiser sans tendresse, une vie sans amour….
Sur la personne
Après l’obtention d’un diplôme de virtuosité de piano, Philippe Morard s’est perfectionné dans divers domaines musicaux : études de chant, de contrebasse, de direction de chœur à Fribourg, de direction d’orchestre à Vienne. Actuellement musicien indépendant, il a enseigné de nombreuses années au Conservatoire de Fribourg tout en ayant une activité dans la direction de chœurs et d’orchestres. Il multiplie ses activités particulièrement comme pianiste, chanteur, organisateur de concerts (il est depuis 2002, le directeur artistique des réputés Concerts de l’Avent de Villars-sur-Glâne) et est régulièrement demandé comme expert à la Haute Ecole de Musique Vaud-Valais-Fribourg et au Concours Suisse de la Musique pour la Jeunesse.
La musique peut sauver des vies
Sous le titre « Des sons doux qui sauvent des vies », l’hebdomadaire dominical « NZZ am Sonntag » a publié en septembre 2022 un article sur la thérapie par la musique, qui aide les enfants nés prématurément à prendre un meilleur départ dans la vie.
La naissance prématurée est d'abord un choc pour les enfants. Dans le ventre de la mère, les sons profonds et rythmés marquent les premières expériences sensorielles de l'enfant en devenir : les battements du cœur, le murmure du sang, la voix de la mère qui apporte un sentiment de sécurité. En revanche, dans le service de soins intensifs, les moniteurs bipent, les pas résonnent en arrière-plan, un brouhaha de voix règne. Des sons inhabituels qui, en tant qu'impulsions auditives négatives, atteignent un cerveau par l'intermédiaire d'une oreille dont la formation est déjà terminée. Les bruits dérangeants en néonatologie, conclut l'auteur de l'article, sont donc aussi une cause importante des fréquentes séquelles observées à long terme chez les enfants prématurés, comme l'ont démontré plusieurs études depuis l’an 2000.
La musicothérapie peut opposer à ces facteurs de stress des expériences auditives positives. Friederike Haslbeck du service de néonatologie de l'hôpital universitaire de Zurich a pu démontrer, il y a deux ans, grâce à l'imagerie IRM l'effet stimulant du chant sur le cerveau des prématurés : la musique renforce les réseaux fonctionnels, améliore l'interaction entre les régions du cerveau impliquées dans la motricité et le langage, et active des zones de contrôle des émotions. Pendant son « traitement », c'est-à-dire le chant de mélodies douces, accompagné par le monocorde, l'activité dans la zone du centre auditif et du lobe frontal est augmentée.