L’harmonie entre la musique et les affaires

mardi 15 novembre 2022

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Boullard Musique à Morges compte parmi les plus grands magasins de musique en Europe. L’histoire de l’entreprise familiale commence par la passion pour l’accordéon, aujourd’hui, elle comprend une école de musique et un magasin avec une multitude d’instruments de qualité. Rencontre avec son propriétaire Alexandre Boullard, qui est membre du RC Morges, qu’il a présidé en 2021.

C’est une histoire d’amour qui a jeté les bases du succès de l’entreprise Boullard Musique. L’histoire d’Alain, jeune Parisien de 17 ans, venu jouer de l’accordéon avec un orchestre au bal des pompiers de Lully, village de la Côte vaudoise. Et l’histoire de Josiane, qui était dans le public. Etincelles ! Puis, lorsque le lendemain matin Alain ouvrit les volets de la ferme vaudoise où les musiciens étaient logés, il se trouva face au spectacle du Léman et des Alpes. Etincelles encore ! Ce fut une évidence pour Alain : c’est là qu’il voulait rester et faire sa vie.

50000 instruments et accessoires

Alexandre Boullard, le fils de Josiane et d’Alain et actuel propriétaire de Boullard Musique, nous raconte les débuts de cette entreprise familiale au magasin de Boullard Musique à Morges dans la zone industrielle dite Riond- Bosson. Nous sommes installés à une des petites tables où l’équipe aime manger ensemble à midi dans une ambiance familiale. Tout autour sont exposés des milliers d’instruments et d’accessoires, 50000 pour être précis. Pianos, guitares, basses, batteries, percussions, instruments à vent, violons, harpes, accordéons et même une section dédiée aux hand pans : chez Boullard Musique à Morges, on trouve quasiment tout. Aujourd'hui, l’entreprise emploie 33 collaborateurs et collaboratrices, dispose de 2500 m² de surface sur deux étages, propose cinq ateliers de réparation et deux scènes pour des concerts de 300 places. 

De la rigueur et du courage

2500 m² : on comprend que le succès de Boullard Musique ne repose pas que sur l’histoire d’amour des parents Boullard, mais aussi et surtout sur un travail acharné, rigoureux et passionné. Le jeune couple avait très peu de moyens. Alain, qui s’était formé comme mécanicien de précision, fonçait directement aux multiples engagements comme accordéoniste après sa semaine de travail à l’usine. La passion devenant finalement travail principal, Alain se mit à son compte comme accordéoniste professionnel et animateur solo.  Et, comme le brillant musicien fut de plus en plus sollicité pour donner des cours, la création d’une école de musique en 1976 fut une suite logique. Josiane arrêta son travail de secrétaire médicale pour travailler en binôme avec son mari dès la création du magasin d’instruments sur 50 m2, trois ans plus tard.

Du risk management à la gestion d’entreprise

Alexandre, lui, choisit les études de commerce et travailla longtemps dans le risk management. Ce n’est qu’en 2001 qu’il rejoignit l’entreprise. Et, grosse surprise pour les parents, le fils qui était prévu comme responsable du secteur pianos, ne commença pas par le travail au magasin, mais par un grand tour de Suisse auprès des concurrents. Une sorte d’étude de marché pour celui qui se décrit d’abord comme gestionnaire avant d’être musicien. Son instrument de prédilection est le piano, mais parlons affaires d’abord. Quand Alexandre louait le premier piano à une cliente, il devait l’envoyer depuis Riond-Bosson au magasin près de la gare de Morges pour qu’elle puisse acheter les partitions. L’esprit de l’entrepreneur dictait rapidement le chemin à suivre. Alexandre réussit à convaincre ses parents de regrouper les départements en un seul endroit et d’y acheter un deuxième étage pour agrandir la surface. Au sens des affaires s’ajoutait le courage d’oser saisir une occasion lorsqu’elle se présente : Alexandre passait par le centre commercial à la gare de Morges quand il vit tout le matériel de l’entreprise Rediffusion qui avait été racheté par Fust finir dans une benne. Il n’en croyait pas ses yeux. « Vous le voulez, Monsieur ? », demandait le responsable du chantier. Alexandre Boullard n’hésita pas une seconde, faisant venir un camion et hop ! était debout dans la benne en train de trier, dans ses petits souliers de ville. Il rit en se remémorant la scène. « Je connaissais très bien les débarras, j’y étais souvent allé avec mes parents qui n’étaient pas riches et équipaient l’école de musique avec des meubles de seconde main à ses débuts. »

Les articles de Rediffusion – provenant d’autres liquidations encore - permettaient d’aménager le vaste espace du 2ᵉ étage au Riond-Bosson à Morges qui s’est développé par la suite. C’est aussi petit à petit qu’Alexandre Boullard est devenu directeur puis propriétaire de Boullard Musique. C’est une entreprise de référence en Suisse et en France, listée parmi les 20 plus grands magasins de musique en Europe par ses fournisseurs. Joli résultat pour une PME de la ville de Morges avec ses 17000 habitants. « Nous sommes axés sur le moyen et le haut de gamme avec une sélection très pointue par nos spécialistes qui ont les connaissances et les compétences pour acheter, vendre et réparer », explique son propriétaire avec des yeux qui brillent.

L’intimité avec le piano

Et le piano ? Il en joue tous les jours en rentrant à la maison, ferme les portes derrière lui et savoure « ce moment intime de dialogue avec l’instrument ». Il ferme les portes, car il n’aime pas que l’on écoute jouer ; de toute manière, il ne joue que de l’improvisation « en fonction de mes émotions ». Ces émotions qu’on peut exprimer à travers la musique, les évacuer peut-être en partie aussi. En tout cas, il dit avoir composé quand la guerre en Ukraine a éclaté, inspire profondément et n’en dit pas plus, l’air songeur. Alexandre Boullard dit avoir une bonne oreille et se désigne comme un musicien amateur éclairé. Il n’a joué que trois fois en public, dont une fois pour les 60 ans du Rotary Club de Morges. Les clubs de service l’ont intéressé dès l’âge de ses 20 ans. Alexandre Boullard était d’abord aux Lions, au sein duquel il a aidé à créer un club mixte. Ne pas admettre les femmes ? Pas question. Puis il a mis son engagement entre parenthèses à la naissance de sa fille. « Je voulais avoir du temps pour ma famille », explique-t-il. En 2015, il a rejoint le RC Morges dont il a été le président en 2021. Un président qui s’était donné comme mission, entre autres, d’augmenter le nombre de femmes au club. Et sur neuf nouvelles admissions pendant son année présidentielle, trois étaient des femmes.

Rot. Alexandre Boullard