« Le bonheur se cache dans nos hormones »

dimanche 20 août 2023

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Que dit la psychologie du bonheur ? La Rotarienne Marion Aufseesser, membre du RC Genève, coach et psychologue, nous livre ses réponses dans un monde marqué par la recherche du bonheur permanent. 

Marion Aufseesser, qu’est-ce qui caractérise le bonheur ?

Ma définition est courte : il s’agit d’une sensation de satisfaction et de plénitude.

Comment peut-on arriver à cette sensation ? 

Par les hormones ! Je le décris d’ailleurs dans un article que j’ai publié sur LinkedIn. J’appelle le concept DOSE, chaque lettre représentant une hormone qui est essentielle au bonheur, à l’équilibre, la confiance en soi et à l’énergie : La Dopamine, l’Ocytocine, la Sérotonine et l’Endorphine sont les hormones les plus connues. 

Est-ce que tous les êtres humains aspirent naturellement à cette sensation ?

Oui, tout être humain cherche à satisfaire ce besoin. Mais attention, une recherche du « push » perpétuel de la sérotonine qui procure le sentiment de bonheur et de satisfaction peut être addictive. Nous vivons dans un monde où les gens supportent mal les frustrations. Nous sommes donc dans une recherche permanente du bonheur, mais le bonheur permanent n’existe pas. On ne peut pas être dans un « high » tout le temps. Nous savons bien que la vie comporte aussi des moments de tristesse, de perte et de deuil.

Quand est-ce que cette quête commence ? Déjà à l’âge du bébé ?

Je ne suis pas spécialiste du bébé, mais on peut observer qu’il y a des bébés qui semblent plus ou moins contents. Pour les parents c’est souvent difficile à comprendre les causes, car un bébé peut souffrir de coliques ou de maux de tête. D’une manière générale, on peut observer que le facteur hormonal joue déjà son rôle chez les bébés : ils vont manifester leur désaccord si vous les sortez d’une situation agréable, par exemple d’un bain.

Ils existent des gens qui semblent être nés heureux, toujours le sourire aux lèvres. Est-ce que le bonheur se cacherait aussi dans nos gênes ?

Je dirais de nouveau que le bonheur se cache plutôt dans nos hormones. Il existe en effet des gens qui sont toujours contents. C’est peut-être un signe d’humilité et de gratitude pour ce qui est. Avoir un toit sur la tête et savoir les enfants en bonne santé : ce sont des raisons pour être contents dans nos vies, malgré de petits bobos. Être content ne signifie pas pour autant que le bonheur est permanent. C’est d’ailleurs bien ainsi, car nous avons besoin du « on » et du « off » ; autrement, le bonheur deviendrait une drogue.

Est-ce qu’une personne peut apprendre à être heureuse ?

Probablement oui. Il est possible d’apprendre une certaine attitude pour trouver un équilibre. Une personne plutôt pessimiste peut évaluer si, objectivement, il y a des raisons valables d’être pessimiste. Ensuite, elle peut apprendre à faire du bien à son cerveau – car si nous parlons d’hormones, nous parlons également du cerveau. Cela peut passer par des méditations, une séance de yoga, par des techniques de pleine conscience, par la prière, la peinture, la musique comme par le sport, entre autres. Je préfère ne pas être dogmatique : chacun, chacune trouvera ce qui lui correspond, quelque chose qui les transporte dans une partie d’eux-mêmes qui leur donne ce sentiment de plénitude. 

Vous êtes l’auteure d’un livre sur l’art de rebondir professionnellement. À quel point est-ce que le travail ou la réussite professionnelle détermine le bonheur personnel dans notre société ?

La réussite professionnelle fait certainement partie du bonheur. Les baby-boomers, dont je fais partie, quittent maintenant officiellement la scène professionnelle. Force est de constater que la plupart des cadres cherchent de nouveaux engagements, ou tout de suite après la sortie du marché du travail ou après une pause, une période de gestation que l’on pourrait comparer à une grossesse. Pour certains c’est le moment de reprendre un hobby longtemps délaissé, pour d’autres c’est le moment d’essayer quelque chose de nouveau – écrire, peindre etc. Et les activités de bénévolat peuvent prendre de l’ampleur dans la vie post-professionnelle, terme que je préfère au mot retraite. La plupart des personnes qui ont 65 ans et plus rebondissent dans une activité.

Est-ce que la réussite professionnelle a la même importance pour la jeune génération ou est-ce que le bonheur est plutôt recherché ailleurs aujourd’hui ?

La génération des baby-boomers a été marqué par la vie de leurs parents qui ont vécu la Guerre mondiale. Les enfants des baby-boomers sont marqués par « la pomme » : c’est la génération qui croque la pomme et a été élevée dans le tout, tout de suite, ici et maintenant. On est quand-même un peu malades de nos téléphones... La patience n’est donc pas le fort de notre jeune génération. Mais à la suite du Covid et face à l’état de notre terre, les enfants des baby-boomers sont prêts à renoncer à certains acquis et cherchent d’autres styles de vie que nous, les parents, ne comprenons pas toujours. Ils ne veulent, pour prendre un exemple, pas forcément attendre à avoir travaillé pendant 40 ans avant de profiter de la vie. Ils ne craignent pas les changements professionnels, ils ont d’autres d’aspirations que nous. 

Est-ce que nos moyens de communication et notamment l’évolution des réseaux sociaux exercent une influence sur notre perception du bonheur ?

Je pense effectivement que le fait d’être tout le temps connecté et disponible n’est pas positif. Au contraire, il faudrait être déconnecté régulièrement ; 24 heures hors réseau par semaine me paraissent importantes. Mettre les téléphones de côté au sein d’une famille, faire des jeux de société. S’arrêter est aussi une forme de méditation. S’arrêter est une condition pour vivre dans la pleine conscience. 

Est-ce que le fait d’avoir vécu un grand malheur et d’avoir, pour ainsi dire, survécu, rend les gens plus sensibles aux « petits » bonheurs de la vie ?

On ne peut certainement pas généraliser. Survivre à un malheur dépend de nos personnalités, de nos croyances et de notre capacité à faire face à un malheur. 

Est-ce qu’il est plus facile d’être heureux dans une société riche ou pauvre ?

Nous savons tous qu’il existe des riches malheureux et des pauvres heureux. Encore une fois, on ne peut pas généraliser. Pourtant, grâce à mon engagement auprès de jeunes réfugiés, je sais qu’il est particulièrement difficile d’être pauvre dans une société qui est majoritairement riche.

On dit que le fait de donner, d’offrir un cadeau à quelqu’un et de le rendre heureux ainsi, procure également un sentiment de bonheur chez la personne qui donne ?

Oui, donner sans rien demander en retour évite des déceptions et ne crée aucune « dette psychologique », comme l’appelle le psychologue Matthieu Poirot. Le bénévolat, notamment le don anonyme a une très forte valeur, aux Etats Unis encore plus que chez nous. Il est évidemment aussi très louable de créer une fondation, mais créer une fondation à son nom laisse penser que la personne ainsi nommée aime être remerciée. Le vrai bonheur se trouve donc plutôt dans l’anonymat.

Le bonheur du bénévolat : une motivation pour s’engager comme le font les membres du Rotary ?

Je l’espère, même si le niveau de l’engagement varie dans nos clubs. Pour moi, une des raisons principales pour avoir rejoint le Rotary était clairement de me retrouver avec des gens qui veulent s’engager pour la société.

 

People of action

Marion Aufseesser est psychologue avec une formation cognitiviste et comportementale en pleine conscience. Elle a également une formation d’entrepreneure (Université de Genève et Lausanne). Elle est auteure de « Rebondir : Réussir votre transition professionnelle », paru chez Odile Jacob sur l’art de rebondir professionnellement. Aujourd’hui domiciliée à Genève, elle a vécu en Afrique, Asie et en Europe. La Psychologue Consultant est membre du RC Genève. Celle qui se décrit comme une grand-mère active du XXI siècle, est mariée et a trois enfants adultes et trois petits-enfants.

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