La paix ne se résume pas à l’absence de guerre

dimanche 22 janvier 2023

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La Rotarienne Sibylle Rupprecht préside le Groupe d'Action Rotarien pour la Paix Suisse/Liechtenstein depuis 2020. Elle nous livre ici ses réflexions sur l’importance du sujet de la paix au sein du Rotary.

Nous avons mené cette interview à quelques jours avant Noël. Qu’est-ce que cette fête vous inspire, Sibylle ?

Je sais que Noël est symbole de paix, mais je ne peux m’empêcher de penser aux victimes des conflits armés, de la violence domestique, du harcèlement scolaire, du harcèlement au travail. Et je me rends compte à quel point la paix, le pardon, le renouveau ou la fraternité ne sont pas présentes en ce moment-là.

La réalité est effectivement toute autre, notamment avec la guerre en Ukraine devant notre porte et un grand nombre de conflits à travers le monde. Comment ne pas se sentir désespérée face à une telle étendue de misère ?

Je suis une éternelle optimiste ! Il faut rester positif, ne pas désespérer. Et notamment en tant que Rotariennes et Rotariens, nous ne sommes pas là pour baisser les bras.

Est-ce qu’il existe un lien naturel entre le Rotary et le projet de la paix ?

Absolument, ce lien existe depuis le début du Rotary qui a été fondé bien avant la première Guerre mondiale pour soulager la société. Le Rotary était aussi fortement impliqué dans les discussions qui ont précédé la création des Nations Unies. Les Rotariens faisaient partie de la société civile engagé et étaient une voix porteuse pour la signature de la charte de l’ONU qui a, il faut le rappeler, été créé pour éviter tout conflit armé dans l’avenir. Et bien que le Rotary soit un club de service, une des vocations premières des clubs est la promotion de l’amitié. Or, l’amitié, c’est la paix.

Lors de la publication de cet entretien, nous serons en février 2023, et l’agression de la Russie contre l’Ukraine aura déjà une année.

Oui, mais une année n’est même pas beaucoup comparée à d’autres conflits qui durent depuis des années déjà. On a tendance à les oublier, car ils sont plus éloignés de l’Europe, comme le conflit au Yémen, en Ethiopie ou en Amérique du Sud. On compte aujourd’hui quand-même 32 conflits ouverts à travers le monde. L’Ukraine est proche de nous, aussi par sa culture. Cette proximité nous rappelle peut-être aussi brutalement la fragilité de la paix, fait ressurgir le souvenir du conflit sur le Balkan. Force est de constater que les tensions y restent vives. 

Cette année de guerre en Ukraine a aussi été marquée par l’engagement rotarien. 

Oui, le Rotary s’est beaucoup mobilisé et a récolté des millions via le Disaster Fund notamment. Les pays européens ont fourni de l’aide à travers des fonds, des armes, par l’accueil des migrants. Mais une certaine fatigue se fait déjà ressentir ; on s’accommode souvent d’une situation qui dure.

Comment effectuer un choix parmi tant de conflits ? Le Rotary ne peut pas être partout…

Le Rotary peut être à beaucoup d’endroits ! Il compte quand-même 36000 clubs dans le monde entier. Si les clubs choisissent avec leur cœur et selon leurs affinités, ils seront sûrement efficaces. Les clubs en Afrique seront peut-être plus proches des victimes de conflits en Afrique, ceux d’Asie plus proches de ceux en Asie. C’est naturel, mais tous les projets sont importants. 

Le Groupe d’Action pour la Paix Suisse/Liechtenstein que vous présidez ne compte que peu de membres. Comment l’expliquer ?

La paix est quelque chose d’abstrait, un peu diffuse, intangible. Ce n’est pas comme la vaccination contre la polio qui permet de compter le nombre de vaccinés et donne un chiffre précis. Pas non plus comme les axes stratégiques eau, éducation, santé de la mère et de l’enfant. La paix ne se résume pas à l’absence de guerre, la définition est plus complexe : c’est notamment une fois que les armes se taisent que le véritable travail de paix commence. L’objectif est d’arriver à une paix positive. Car tout est à refaire. Il faut reconstruire une société, instaurer la démocratie, réparer ou construire les infrastructures etc etc. 

Quel est l’objectif principal de votre Groupe d’Action ?

Il a notamment pour but de donner l’impulsion de promouvoir des actions pour la paix, les soutenir et de mettre en réseau les différents acteurs. Car le côté « flou » de la paix se reflète aussi dans le nombre de Global Grants qui sont accordés à des projets pour la paix : on ne parle que d’un petit pourcentage. C’est quand-même étonnant vue la paix est la base de tout. Il est nécessaire d’en parler et de faire la promotion des projets de la paix à tous les niveaux, y compris le travail avec les Peace Fellows.

Quels exemples d’actions peut-on donner ?

Je peux citer le projet de la plateforme « Harmony » de la Rotarienne Sanela Music qui a reçu un Global Grant en 2019 et le projet de déminage en Afghanistan. Mais ce dernier a dû être arrêté après le changement de régime. Nous avons en outre organisé deux incubateurs pour les projets de la Paix, le premier en 2020, le deuxième en novembre passé à Bâle. C’est un travail de fond et surtout de mise en réseau très précieux. Nous avons même eu un Rotarien qui est venu de Colombie et a « pitché » son projet, c’est comme cela que les liens se tissent. Notre but est de créer de la conscience, pour que les Rotariens ne font rien sans penser à la paix. Car tout y est lié : il n’y a qu’à penser à la problématique de l’environnement et du changement climatique qui oblige des personnes à fuir. La préservation de l’environnement, l’accès à l’eau, c’est une manière d’œuvrer en faveur de la paix.

Sur un plan plus personnel : à quel moment est-ce que vous vous sentez en paix ?

À tous les moments dans lesquels règne l’harmonie, que ce soit au niveau privé ou professionnel. La paix commence par nous-mêmes. Nous ne pouvons pas prêcher la paix sans être en harmonie avec nous-mêmes.

Fondé le 28 mars 2019, le Groupe d'Action pour la Paix a pour mission de poursuivre les objectifs suivants : 

- encourager les clubs et districts à développer et mettre en œuvre des actions en faveur de la paix, de la prévention et/ou de la résolution des conflits.

Il offre notamment, mais sans s'y limiter, une assistance et des conseils en matière de :

- formation de dirigeants, y compris de jeunes dirigeants potentiels, à la prévention des conflits et à la médiation ; 

soutien à la consolidation de la paix dans les communautés et les régions touchées par un conflit ;

soutien aux études des professionnels liées à la paix et à la prévention/résolution des conflits.

Il a pour objectif de 

promouvoir l'échange de connaissances et d'expériences entre les actions rotariennes en cours sur la paix et la prévention/résolution des conflits et de faciliter les efforts de coordination entre ces actions et les nouvelles ;

faciliter la création de passerelles entre les programmes de paix du Rotary existants et prévus et les Centres du Rotary pour la paix afin de leur permettre de s'impliquer plus directement avec les Rotariens et les diverses activités de paix ;

promouvoir la collaboration et l'échange de connaissances et d'expériences des personnes et institutions en relation avec le Rotary, ainsi que d'autres acteurs de la paix, en organisant des réunions et des conférences conjointes.

À ce titre, le groupe d'action collabore à des projets de paix avec des clubs et des districts en Suisse, en Europe et dans le monde entier.


À la Journée de la Paix à l'Institut de Bâle