Christian Colquhoun est un passionné d’histoire qui ne compte pas ses engagements. Ancien gouverneur du District 1990 et membre du RC Genève Palais Wilson, il a fouillé la terre, restauré des épées et des costumes d’époque, piloté montgolfières et gyrocoptères, et contribue à la préservation de bateaux historiques. Un parcours singulier, riche en aventures, qui nous ramène à la fête de l’Escalade à Genève, organisée par la célèbre Compagnie de 1602, dont il a été président.
Nous avons probablement toutes et tous connu cette expérience à l’école: un mauvais professeur peut dégoûter à jamais d’une matière, tandis qu’un bon enseignant peut éveiller de véritables passions. C’est exactement ce qui est arrivé à Christian Colquhoun. Un de ses professeurs d’histoire, passionné d’archéologie, a su lui transmettre l’amour du passé et du patrimoine. Si bien qu’encore étudiant à Genève, il consacrait déjà des vacances d’été à des fouilles archéologiques. À Genève, il participa à celles menées autour de la Cathédrale; à Sion, en Valais, il contribua même à dégager une tombe d’enfant du site du Petit-Chasseur, aujourd’hui exposée au Musée National de Zurich.
Travailler aux côtés d’Olivier-Jean Bocksberger, archéologue valaisan de renom, a jeté les bases d’un engagement envers l’histoire qui allait durer toute une vie.
Ancien patron des «Fêtes de Genève»
Installé pour notre entretien dans son charmant jardin de Chêne-Bougeries, à Genève, Christian Colquhoun se remémore ses débuts avec un sourire. «Pour l’histoire, je suis tombé très tôt dans la marmite», confie-t-il. Une marmite qui, sans qu’il le sache encore, allait aussi marquer sa carrière professionnelle – pourtant loin, à l’origine, de ce domaine. Étudiant de l’École supérieure de commerce, le jeune Christian commence comme assistant de production à la Télévision suisse romande. Sa première mission? Être sur le plateau… pour une émission consacrée à l’archéologie. Très vite, il enchaîne avec la production de concerts pop et jazz, se plongeant dans une période exaltante qu’il relate avec des yeux brillants et qui lui a permis de côtoyer de près les plus grandes stars du Montreux Jazz Festival et de la Rose d’Or.
Quelques années plus tard, l’assistant de production est devenu formateur, puis réalisateur audiovisuel et de télévision à la SBS. Il rejoint ensuite Trimedia Communications SA comme membre de la direction, importante société suisse de marketing et de conseil en communication, pour 19 ans. Puis vient le virage vers la politique et enfin l’événementiel: directeur du Département Manifestations à Genève Tourisme et, surtout, patron des célèbres «Fêtes de Genève». En 2015, à la tête d’une manifestation comptant parmi les plus grandes du pays – avec un budget de 4.5 millions de francs et 2 millions de visiteurs –, il prend officiellement sa retraite. Officiellement seulement, car Christian n’a jamais cessé d’être actif.
Au gré des rencontres amicales
Curieux et animé d’un véritable goût pour l’engagement, il s’investit depuis toujours dans de multiples activités bénévoles. Chez lui, l’enthousiasme semble être une constante, et l’ouverture aux autres, une seconde nature. «Il est vrai que je n’ai jamais planifié mes engagements. J’ai saisi les opportunités qui se présentaient grâce à des rencontres amicales. Ce sont elles, les véritables traits d’union de ma vie», confie-t-il. Tout commence avec un ami qui l’introduit dans la célèbre Compagnie de 1602, société historique bien genevoise qui commémore chaque année la bataille de l’Escalade, survenue dans la nuit du 11 au 12 décembre 1602. Cette nuit-là, Charles-Emmanuel Ier, duc de Savoie, tenta – en vain – de prendre Genève par surprise en escaladant ses remparts. Comme son ami, Christian rejoint le cortège dans l’équipe des «pétardiers», ceux qui font sauter les portes. Il nous en parle avec un plaisir non dissimulé, émaillant son récit de précisions historiques, évidemment. Passionné d’histoire, il se sent immédiatement comme un poisson dans l’eau au sein de ce qui est la plus ancienne société de Suisse, forte de plus de 2800 membres. Et comme il est, selon ses propres mots, «assez bricoleur», on ne tarde pas à l’intégrer à l’équipe de l’Arsenal. Sa mission: entretenir le matériel et réparer les costumes. Car les tenues – chacune valant plusieurs milliers de francs – n’appartiennent pas aux membres: on répare, on raccommode, on ajuste.
Christian Colquhoun s’y investit pendant vingt-cinq ans. En 1996, il est nommé président et devient également l’un des quatre syndics de la Compagnie. Recréer, durant trois jours, des scènes de la vie quotidienne genevoise à l’aube du XVIIe siècle, fut une expérience qu’il qualifie de «magnifique».
De l’air à l’eau
Mais les genoux finissent par protester. Difficile de supporter les kilos d’un costume de syndic – immense cape de feutre et fourrure comprises – sur un parcours de sept kilomètres à travers la vieille ville. Après quarante-neuf cortèges, il se résout à raccrocher… avec un brin de nostalgie, mais sans le moindre risque de s’ennuyer. Il faut savoir que Christian est aussi titulaire d’une licence de pilote de montgolfière, discipline qu’il a pratiquée pendant trente-cinq ans aux quatre coins du monde. Un des endroits de sa maison à Chêne-Bougeries en porte d’ailleurs la trace: les murs y sont tapissés de clichés spectaculaires, éclatants de couleurs, témoins de ses voyages aériens. Il a également présidé durant six ans l’Aéroclub de Genéve. On n’est guère surpris d’apprendre que sa passion pour l’histoire l’a aussi conduit à s’intéresser aux origines de l’aviation, notamment au gyrocoptère. Mais un accident à un atterrissage change la donne - il range définitivement ses ailes et retourne vers une ancienne passion: la voile.
La voile redevient vite un univers captivant pour Christian, ancien moniteur et régatier, qui s’implique encore aujourd’hui dans la sauvegarde de bateaux d’époque. Il est aujourd’hui actif au sein du comité de l’Association de Sauvegarde des Bateaux à Vapeur du Léman, ainsi que membre du Conseil de fondation de la Neptune, magnifique barque à voile latine construite en 1904. Rachetée en 1971 par l’État de Genève pour préserver un témoin de la navigation sur le Léman, elle a été confiée en 1976 à la fondation qui en assure la gestion. «Finalement, résume-t-il avec un sourire, ma passion pour l’histoire et le patrimoine aura embrassé les trois éléments: la terre, l’air et l’eau.»
Indispensable mixité au Rotary
À son engagement bénévole s’ajoute aussi la politique : Christian a été conseiller communal, puis secrétaire général de Chêne-Bougeries et de ses 14 000 habitants pendant neuf ans. Et, bien sûr… le Rotary. Là encore, tout commence par des amis, membres fondateurs du RC Genève Palais Wilson, qui l’invitent à rejoindre le club. Il y adhère en 2002, en devient président, puis gouverneur du District 1990 en 2018/19. Ce club à la fibre citadine compte environ 80 membres, dont près de 44 % de femmes, et la présidence alterne entre hommes et femmes. «Cette ouverture me parle», souligne Christian, qui n’a jamais mâché ses mots lorsqu’il s’agissait de défendre la mixité au sein du Rotary, notamment durant son année de gouvernorat. Il rappelle d’ailleurs que la Compagnie de 1602, dont il est aujourd’hui membre d’honneur, s’est ouverte aux femmes dès sa création en 1927.
À 74 ans, lui qui ne se prétend surtout pas historien, continue de s’émerveiller, de lire, d’apprendre et de transmettre. Il a en effet donné toute une série de conférences, entre autres sur l’Escalade. Sa dernière passion? La pyrotechnie. À sa retraite, il a obtenu sa licence d’artificier professionnel et endosse souvent le rôle de chef de tir pour des feux d’artifice, notamment du 1er août dans les communes genevoises. Et il serait presque décevant que notre interlocuteur termine sans une anecdote historique… qu’il ne manque évidemment pas d’ajouter: «La poudre date d’avant Jésus-Christ», glisse-t-il, sourire en coin.
La prochaine fête de l’Escalade aura lieu du 12 au 14 décembre 2025: https://www.1602.ch/