À seulement 21 ans, Loïs Auberson est le plus jeune président d’un Rotary club en Suisse et au Liechtenstein. Un engagement remarquable, qui ne constitue qu’un pan de ses nombreuses activités. Il s’investit au sein du Service Hospitalier de l’Ordre de Malte, siège au parlement communal du Landeron NE, et, surtout, il dirige sa propre entreprise de fabrication de gin artisanal. Rencontre avec un jeune homme qui bouscule avec brio les codes de sa génération.
Loïs Auberson résume sa philosophie de vie en une phrase simple: «J’aime travailler et j’aime être utile.» Après une heure d’échange avec ce jeune homme à la fois réservé et chaleureux, modeste mais quand-même assuré, on comprend rapidement que passer ses soirées en boîte à dépenser de l’argent en verres n’a jamais fait partie de ses priorités.
Aux pompes funèbres à treize ans
Très tôt, il a commencé à gagner son propre argent et à mettre de côté. À seulement treize ans, il est engagé par les pompes funèbres de sa commune natale, Le Landeron. «J’ai toujours été intéressé par ce travail, qui est très social», confie-t-il, face à une interlocutrice un brin incrédule. Oui, à un âge où d'autres jouent encore au foot, Loïs lave, habille et maquille les défunts pour leur dernier voyage, sans la moindre hésitation. Il hausse les épaules et esquisse un petit sourire: il n’a jamais vraiment été conventionnel.
Le harcèlement scolaire
Ce côté non conventionnel, cette maturité précoce, presque adulte — ont-ils suscité la peur ou le rejet de ses camarades? Loïs en parle avec une sincérité désarmante. L’école obligatoire a été pour lui un passage douloureux, marqué par le harcèlement, qui a culminé dans une tentative de suicide. C’est finalement à Erlach BE, une commune germanophone voisine du Landeron, qu’il achève sa dernière année du cycle secondaire. Un changement salutaire, accompagné du soutien précieux d’amis de la famille, qui ont joué un rôle clé dans sa reconstruction – et dont Monsieur est Rotarien.
Loïs avait déjà découvert le Rotary à l’âge de treize ans, impressionné par l’ampleur et l’impact de «La Charbonnière», une manifestation caritative organisée sur deux semaines par le RC Neuchâtel-Vieille-Thielle – le club dont il est aujourd’hui membre et actuellement son président. L’action rotarienne avait alors permis de récolter la somme remarquable de 160000 francs pour le bénéfice de la fondation Digger, spécialiste du déminage.
Président de club après une année
Son parcours rotarien commence au RC Neuchâtel-Lac, où il est accueilli grâce à une collègue rencontrée aux pompes funèbres. Il finit par rejoindre le RC Neuchâtel-Vieille-Thielle, le club qui l’avait tant marqué dans son enfance. À peine un an après son entrée, Loïs accepte un nouveau défi de taille: en devenir le président. Le club, fondé il y a 40 ans, compte aujourd’hui 49 membres. Chacun est donc appelé à s’investir activement. «Vas-y, tu es la bonne personne», l’avait-on encouragé. Loïs, qui se sent parfaitement à l’aise dans ce club à l’esprit familial, s’est alors lancé.
Malgré l’accompagnement bienveillant de Rotariens expérimentés, il reconnaît avoir eu «quelques sueurs froides» au début de son mandat, entamé en juillet 2025. Une charge exigeante, certes, mais les retours sont déjà très positifs – notamment pour sa manière efficace de traiter les questions administratives tout en laissant de l’espace aux échanges et à la convivialité entre membres.
Comme les pompes funèbres, le Rotary lui apparaît un peu comme une seconde famille. Et puis, de son propre aveu, il a toujours préféré la compagnie des adultes à celle des jeunes.
Cela ne l’empêche pas d’avoir un regard lucide sur les défis de l’organisation. Il déplore notamment le vieillissement des effectifs. Mais à qui la faute? «Le Rotary communique mal et reste peu connu. C’est un peu comme le golf en Suisse: les gens ont des a priori, pensent que c’est un cercle fermé d’hommes âgés et élitistes.» Ces mêmes personnes seraient sans doute surprises de voir les membres du RC Neuchâtel-Vieille-Thielle – conjoints compris – scier eux-mêmes des sapins de Noël en pleine forêt, sous la supervision d’un bûcheron membre du club, avant d’aller les vendre le weekend suivant.
Retrousser les manches
En 40 ans d’existence, le RC Neuchâtel-Vieille-Thielle a récolté plus d’un million de francs pour des actions caritatives – non pas en ouvrant «simplement» le porte-monnaie, mais en retroussant les manches, comme aime le rappeler Loïs Auberson. Une philosophie d’entraide qui lui tient à cœur, à l’image des roues du Rotary qui s’engrènent, symbolisant l’action collective.
Son engagement ne s’arrête pas là. Loïs est également actif au sein du Service Hospitalier de l’Ordre de Malte, une organisation à dimension spirituelle. Catholique pratiquant, il insiste toutefois sur l’importance du geste concret: aider les malades et les plus démunis. Chaque année, il accompagne entre autres des personnes en pèlerinage à Lourdes, les assistant dans les actes essentiels du quotidien – se laver, s’habiller, se déplacer.
À cet engagement caritatif s’ajoute une vie bien remplie: conseiller général PLR au Landeron, ancien trompettiste et tubiste dans la fanfare locale, membre de différentes associations, golfeur passionné – un sport qu’il a découvert en travaillant au secrétariat du Golf de Neuchâtel après l’obtention de son CFC d’employé de commerce.
Depuis début juin, Loïs travaille à 100 pourcents à son compte. Pour l’entretien, il nous propose d’ailleurs que nous nous installions à une table ombragée, nichée sous les arbres de la vieille ville du Landeron. C’est son lieu de prédilection pour travailler, un bureau à ciel ouvert durant l’été. Une liberté rendue possible par son statut d’indépendant.
La fabrication du gin suisse
Âgé de 21 ans, Loïs est à la tête de sa propre entreprise depuis 2023, année où il s’est lancé dans la fabrication de gin. Un gin suisse, élaboré à partir de baies de genièvre du pays, relevé d’herbes et d’épices majoritairement helvétiques, puis distillé dans une distillerie artisanale du Landeron.
Les recettes, imaginées et finement équilibrées par ce jeune artisan, n’ont pas tardé à séduire les jurys internationaux: médailles d’argent et d’or à Francfort et à Lyon, avec une mention spéciale pour le gin de Noël, couronné deux années consécutives de l’or à Francfort. Preuve que Loïs Auberson ne fait décidément rien à moitié et qu’il ne craint pas les responsabilités malgré son jeune âge.
Lors de notre visite, il s’excuse pour le désordre au bureau: il est en plein déménagement vers de nouveaux locaux. Car il s’agit maintenant, qu’il a franchi le pas d’être entièrement à son compte, de se faire une place sur le marché, ce qui implique «de dormir peu et de courir beaucoup», selon ses mots. Il est confiant. Il s’est toujours débrouillé seul avec le soutien de quelques amis proches.
Futur assistant du gouverneur
Son passé difficile à l’école a laissé des traces, mais surtout éveillé des convictions. Au Rotary, il aimerait prendre part à une action contre le harcèlement scolaire, à l’image de ce que font déjà les clubs valaisans. Ce qu’il a vécu lui donne aujourd’hui une légitimité particulière, lui qui prend désormais la parole en public et assume des fonctions dirigeantes. «Cette épreuve m’a construit», résume-t-il.
Et la suite est déjà en route: dès 2026/2027, il accompagnera le futur gouverneur René Loretan comme assistant pour l’Arc jurassien et sera, une fois encore, le plus jeune Rotarien à exercer cette fonction.